Loi Climat et résilience : position des Rivières Sauvages relative à l’interdiction d’effacer les seuils en rivière
La Loi Climat et résilience a été adoptée le 4 mai dernier par l’Assemblée Nationale. Outre son manque d’ambition pour attendre réellement les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, un amendement inquiète tout particulièrement Rivières Sauvages et l’ensemble des acteurs de la préservation et de la restauration des milieux aquatiques en France. Celui-ci prévoit en effet d’interdire l’arasement des seuils en rivière et donc d’empêcher la restauration de la continuité écologique !
La Loi sera examinée par le Sénat mi-juin, Rivières Sauvages s’est donc adressé aux sénateurs et sénatrices afin d’attirer leur attention sur ce point.
Éviter la confusion entre le seuil et le moulin
A ce titre, il est important de comprendre qu’enlever un seuil ne signifie pas que l’on détruit un moulin, dont la valeur patrimoniale nous est également chère. En effet, la majorité des seuils en rivières ne sont pas accolés à un moulin. Les ouvrages, qu’il arrive aux porteurs du label d’enlever, sont souvent des ouvrages à l’abandon, qui n’ont systématiquement plus d’usage, qui pourraient faire courir un risque aux populations, qui n’utilisent plus la force hydraulique ou qui gênent fortement la continuité écologique.
Effacer un seuil ce n’est donc pas enlever un moulin. Quelle que soit la raison pour laquelle ce seuil n’est plus utilisé, il faudra de toute manière le consentement éclairé de son propriétaire pour effectuer un effacement.
Le point sur les seuils, la micro-hydroélectricité et la biodiversité
Depuis le moyen-âge, les ouvrages sur les cours d’eau connaissent régulièrement des modifications : agrandissement, changement de nature ou d’affectation. Le label « Site Rivières Sauvages », porté par des collectivités et des établissements publics territoriaux la plupart du temps, vise à améliorer la continuité écologique existante et s’attache à en garder la valeur patrimoniale. L’effacement d’un seuil est décidé, via le consensus de toutes les parties prenantes, si, et seulement si, sa présence nuit à la biodiversité de la rivière.
Sur nos 29 « Sites Rivières Sauvages » labellisés coexistent des moulins et parfois des seuils, s’ils ne sont pas une menace pour des espèces animales ou végétales en grand danger ou inscrits sur la liste rouge mondiale des espèces menacées.
« La production d’électricité de ces petits barrages hydroélectriques représente à peine 0,3% de la consommation d’électricité en France. Leur contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France serait donc négligeable » comme le rappelle FNE dans son communiqué du 16 avril 2021.
Les Agences de l’eau et l’Office Français de la Biodiversité ont depuis des décennies soutenu les efforts des collectivités et des ONG, mais aussi des particuliers pour améliorer cette continuité écologique. Aller au rebours de cette politique annulerait tous les efforts réalisés durant ces vingt dernières années et serait à l’exact opposé de la préservation de la biodiversité qui est un enjeu vital.
Pour une modification de l’amendement
Nous demandons aux sénateurs de prendre en compte cette double contrainte :
– la défense de la biodiversité et la protection des écosystèmes aquatiques qui instaure une nécessaire continuité écologique
– l’intérêt patrimonial des moulins.
A cet effet, nous demandons, de modifier l’amendement de l’article L214-17 du code de l’environnement relatif à la continuité écologique, qui ressort de article 19 C de la loi Climat et Résilience. En supprimant la possibilité d’araser certains barrages, elle réduirait, telle qu’écrite, nos capacités d’atteinte de l’objectif européen de bon état écologique des masses d’eau. Ce qui irait également à l’encontre de l’esprit de l’article du projet de loi : « Protéger les écosystèmes et la diversité biologique ».
Il ne faudrait pas, en outre, interdire ou baisser le financement des effacements de seuils par les Agences de l’eau. Cela léserait les propriétaires favorables à l’aménagement écologique de leur ouvrage. Ils subiraient dès lors le poids financier de leur engagement en faveur de la biodiversité.
Photos : Yannick Gouguenheim – image-riviere.fr